Dans la lignée de son rapport paru en juin 2018 « la DGFIP, 10 ans après la fusion », la Cour des comptes vient de sortir en mai 2019 un nouveau document axé plus spécifiquement sur l’avenir des systèmes d’informations à la DGFiP et à la Douane. Il ressort de ce rapport plusieurs idées fortes touchant à la fois les structures et l’organisation du SSI. Il nous semble intéressant, dans le contexte actuel, d’en faire un rapide résumé et de voir vers quel cap souhaite aller la Cour des comptes (et le gouvernement ? ) au niveau de la sphère informatique.
D’entrée de jeu, la Cour des comptes fait le constat que les moyens du SSI sont en constante diminution, tout en insistant sur la fiabilité et les taux de disponibilité élevés de nos applications, et ce malgré des systèmes vieillissants, voir obsolètes. Baisse de moyens, car si on enlève les investissements liés au PAS, le budget informatique à la DGFiP a baissé de 22 % entre 2012 et 2017 ! (Seulement 8% si on tient compte des dépenses liées au PAS…) Notons au passage que le budget informatique à la Douane a, dans la même période, augmenté de… 34 % ! Quant à la baisse des effectifs, elle a été de 13 % entre 2013 et 2018, soit un chiffre bien supérieur aux effectifs globaux de la DGFiP (8 % sur la même période). La cour constate que ce niveau de dépenses est bien inférieur aux autres administrations financières et/ou sociales étrangères, et que, de plus, la grande majorité des dépenses est liée au fonctionnement des systèmes d’exploitation et à la maintenance. Par voie de conséquence, la DGFiP dispose de peu de marges de manœuvres en investissement pur. Constat également que contrairement à d’autres administrations, la DGFIP a gardé de très fortes compétences en interne et que près de 80 % de ces charges de développement sont internalisées. Et que de même le recours limité à la sous-traitance lui permet de préserver la maîtrise de ses principaux outils. En outre elle porte le constat que la baisse du budget informatique a également été rendue possible par le recours massif aux logiciels libres.
Mais en même temps, pour la Cour des Comptes, l’organisation de la sphère informatique actuelle est complexe, peu fluide, consommatrice de ressources et avec une dispersion excessive sur le territoire… Pour elle, la conduite de projets, notamment, peut être source d’améliorations avec un suivi plus rigoureux dans les coûts et les délais… Elle regrette également que la DGFiP n’ait pas formalisé de stratégie et n’ait pas adopté un schéma directeur informatique… comme de bien entendu, elle donne diverses « recommandations » :
- Création d’un cadre stratégique pluriannuel,
- Renforcement du rôle du secrétariat général des ministères économiques et financiers en matière informatique,
- Évolution du pilotage, de l’organisation et des méthodes de travail en clarifiant la répartition des compétences,
- Augmenter le recrutement de contractuels,
- Changer de méthode dans la conduite des projets informatiques,
- Réduire les effectifs affectés à l’assistance informatique,
- Poursuivre le processus de resserrement du réseau au niveau des ESI et le nombres d’implantations.
Pour la Cour, c’est seulement si ces préconisations sont respectées que les moyens budgétaires pourront être accrus ! Autant dire que c’est recourir à un chantage assumé. D’autant qu’elle reconnaît explicitement que la trajectoire des finances publiques votée par le parlement prévoit de faire de la mission gestion des finances publiques et des ressources humaines une des principales contributrices à la réduction des dépenses de l’état…
Bien évidemment, nous ne sommes pas surpris ni par le contenu du document ni par la vision que porte la Cour des comptes. Ce regard est en totale adéquation avec le rapport de juin 2018 sur la DGFiP. Si nous pouvons partager certains constats comme le manque flagrant de moyens budgétaires, nous ne pouvons pas cautionner les solutions proposées et surtout le chantage qui en découle. Pour Solidaires Finances Publiques, il est capital que notre informatique et notre développement restent internalisés. Faire appel à davantage de prestataires ou de contractuels, emporterait le risque de voir notre technicité et savoir-faire disparaître peu à peu, ce qui est inacceptable à nos yeux. Sur la création d’un plan pluriannuel, nous sommes prudents sur le sujet. Si effectivement les agents et nous-mêmes demandons de la lisibilité, celle-ci ne doit pas se faire au détriment de l’avenir et ne doit pas être enfermée dans un carcan rigide, qui ne permettrait plus aucune flexibilité ni aucune adaptation. De grandes lignes oui, mais en gardant un maximum de souplesse et en ne s’enfermant dans aucun dogme ou aucune logique budgétaire. Sur les propositions de fermeture des ESI, ou de réduction des effectifs sur l’assistance informatique, nous y sommes bien entendu farouchement opposés. Opposés, car pour nous il est primordial de garder un maillage territorial fort au niveau des ESI et des CID tant pour les agents que pour l’efficacité et l’aide apportées aux services dans leurs travaux quotidiens. De même il est pour nous inacceptable que le ministère puisse renforcer son contrôle sur le SSI et les services informatiques de la DGFiP. L’informatique doit rester dans le giron de notre administration afin de permettre un développement, et une réactivité, au plus près des besoins des services et des contribuables. Le SSI doit rester maître de l’avenir des services informatiques de la DGFIP, en toute responsabilité et connaissance de cause. Bien entendu, à l’intérieur de ce cadre, rien n’empêcherait, en fonction des disponibilités des agents et de nos services informatiques d’aider et de collaborer avec d’autre administration dans le développement ou la mise en place de nouvelles applications.
Solidaires Finances Publiques demande une remise à niveau des crédits du SSI et un arrêt des suppressions d’emplois dans la sphère informatique, ceci sans forme de pression d’aucune sorte. Il est à présent urgent de pouvoir investir et dégager des crédits et des moyens humains afin de moderniser à la fois nos services d’exploitation, de développement et d’assistance. Il est facile de critiquer nos infrastructures bientôt obsolètes alors que les crédits informatiques ont fondu comme neige au soleil ces dernières années. Si ces derniers avaient été constants et sanctuarisés, la situation ne serait pas aussi préoccupante. Dans la même lignée, il est évident que pour nous les services INTEX doivent demeurer ! Ce n’est pas aux utilisateurs de faire le débogage des nouvelles applications et des mises à jour de programme.
Certes à cette heure, rien ne prouve que la direction générale ait décidé d’appliquer ces recommandations. Mais rien ne prouve le contraire…surtout à la vue du contexte actuel porté par une volonté de déstructuration et de réforme tous azimuts de notre administration. Il est très possible (probable ?) qu’on ne demande pas l’avis du SSI et que ces recommandations soient imposées à la fois par le pouvoir politique et/ou par le nouveau directeur général.
Il ne s’agit pas ici de dire que le statu quo doit être la seule et unique ligne pour l’avenir. Mais si réflexion et inflexion il doit y avoir, elle ne doit pas se faire au détriment des besoin des services et des agents. Elle doit respecter la spécificité et la haute technicité de notre administration, afin que l’on puisse garder, au maximum, nos capacités de développement interne.
Dans tous les cas Solidaires Finances Publiques appelle tous les agents à se montrer particulièrement vigilants dans les mois à venir et à être prêts à se mobiliser pour maintenir un service informatique de qualité, technicien et proche des besoins des agents et des contribuables.
Ce texte est la reprise d'un article paru dans l'unité 1116.